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réflexion d’une stagiaire en nomadisme mathématique

vendredi 30 avril 2010, par

Fanny achève un stage, le dernier de sa formation de future prof de math, un des cours acrobatiques de PN. Elle laisse trace de ses impressions. C’est assez élogieux, mais promis, promis, on n’hésitera pas à publier des rapports plus sceptiques. Mais jusque là, malgré la multiplication des stages, on n’en a pas encore sous la main

Fanny Geuzaine Pédagogie Nomade – Limerlé
3NS Math Du 19/04/10 au 30/04/10

Retour réflexif sur le stage 3

Pédagogie Nomade est un endroit tout simplement exceptionnel. Ce stage constitue l’une des expériences les plus riches qu’il m’ait été donné de réaliser.

Je n’en sais par où commencer !

Deux semaines constituent une période certainement beaucoup trop courte pour vivre tout ce qu’il y a à y vivre, voir tout ce qu’il y a à y voir. Mais cette première approche répond déjà à un grand nombre de mes interrogations, et me donne bon espoir quant à une alternative à l’enseignement dit « classique » (s’il existe vraiment…), une école plus humaine, qui tente d’apporter une réponse véritable et concrète à la demande explicite du décret missions.
J’ai appris énormément au cours de ces quelques jours, qui furent riches et très denses. Enormément parce que, à Pédagogie Nomade, les enseignants apprennent tout autant que les élèves. En atelier, au même titre que mes coéquipiers, j’ai appris à forer, clouer, poncer, utiliser une scie sauteuse, ce que jamais encore je n’avais eu l’occasion de réaliser. Grâce au système d’égalité asymétrique, qui régit la vie à Pédagogie Nomade, j’ai découvert un contact tout à fait particulier avec les élèves, bien plus sain, bien plus juste, bien plus constructif. Le principe de tutoiement est certainement, en grande partie, impliqué dans la construction de cette relation enfin humaine, « dérobotisée ».
Cet aspect humain est ce que j’ai découvert de plus riche et de plus poignant dans cette école. Chacun est, chacun existe, pour tous les autres et pour lui-même. Personne n’est un numéro. Le contact entre les individus est cadré par le respect de l’autre dans son intégrité. Chacun est invité à s’exprimer librement, partager ses opinions, ses ressentis, dialoguer. Le mécanisme est tel qu’il existe une véritable vie communautaire, tant avec les autres élèves qu’avec les enseignants ; une cohésion enfin autre que fantoche, qui se nourrit du partage des droits et devoirs de chacun.
A Pédagogie Nomade, la pédagogie du projet est plus qu’une belle philosophie. Elle constitue un véritable champ d’investigation, sans cesse parcouru par tous, et donne naissance à des productions concrètes et impressionnantes (souvent même émouvantes, comme cela était le cas, par exemple, de la concrétisation de l’atelier Brassens par une soirée cabaret fantastique). Il s’agit de réellement « construire », au sens propre comme figuré. Jamais je n’avais vu auparavant des adolescents concernés de la sorte par le projet de leur établissement, et voter lors d’une assemblée générale en faveur d’une journée d’école plutôt que de congé. Proposer des sorties culturelles (de vraies sorties, vraiment culturelles). S’investir librement, parfois malgré la timidité, pour monter sur scène chanter une chanson de Brassens.
Pour la première fois pour moi, la discussion avec chacun, élève comme enseignant, est réellement facile. Pour la première fois, je me rends en stage sans stress. Je sais que je ne vais pas être jugée, critiquée ; je sais que chaque commentaire sera formulé dans le souci de me permettre de progresser. Je me sens à l’aise, et, surtout, je sens que je suis invitée à me sentir à l’aise de la sorte. Les rapports avec tout un chacun s’en trouvent tellement simplifiés ; il est possible de poser n’importe quelle question, à n’importe qui. Chacun est là pour apprendre.
Je sens aussi que, dans cette école, la priorité n’est pas donnée à la productivité. Enfin, on s’éloigne du système capitaliste pour prôner d’autres valeurs ! Enfin, me dis-je, nous sommes là pour apprendre, peu importe le temps que cela prendra.

Etonnamment, la possibilité pour les élèves de ne pas se rendre systématiquement aux cours n’a, pour moi, pas été un obstacle. Je sais que chaque personne présente lors d’une séance de math l’est parce qu’elle le souhaite réellement, parce que c’est le bon moment, parce qu’elle en a la volonté. Je sais que la personne est vraiment là, au-dessus de cette connotation de présence physique, parfois exclusive, trop souvent confondue avec la présence effective.

Ces deux semaines ont, pour moi, été également l’occasion de détruire de nombreux, monstrueux et incroyables préjugés dont je n’avais pas même soupçonné la présence en moi auparavant. Comme quoi l’on se connaît parfois bien peu ! Ainsi, des personnes vers lesquelles je n’aurais pas nécessairement souhaité… ou eu peur de faire la connaissance auparavant m’ont absolument épatées. J’ai eu l’occasion, chaque jour, de guillotiner des stéréotypes qui m’habitaient malgré moi et de construire d’autres représentations bien plus positives. Ainsi, je suis absolument sidérée de constater le respect réciproque qui habite la grande majorité des relations à Pédagogie Nomade. Soulagée de savoir qu’il existe des écoles dans lesquelles l’enseignant n’est considéré ni comme un obstacle, ni comme un évaluateur au sens peu noble du terme. Je suis également impressionnée par la cohésion qui habite le groupe entier, et également le groupe des professeurs, qui se retrouvent chaque semaine de longues heures pour se concerter.

Je suis épatée, ébahie, et surtout profondément heureuse, de découvrir qu’un lieu tel que celui-là existe, et que, peut-être, un jour, je pourrai y trouver ma place. Je ne suis pas séduite, je suis enchantée.

Une merveilleuse manière de vivre un dernier stage, et de remarquer que chaque jour apporte son lot bien à lui de surprises.

En avant toute !

Fanny Geuzaine
3NS Math