Accueil > Z comme archives > Pédagogie Nomade > On ne raconte pas assez ce qu’on fait... > les meilleures pensées sont celles qu’on a en marchant (Nietzsche)

4 octobre 2010 : français, morale, ou éducation physique

les meilleures pensées sont celles qu’on a en marchant (Nietzsche)

lundi 4 octobre 2010, par

Le souci de décloisonner les cours nous mène à tenter de glisser une dimension « éducation physique » dans toutes les disciplines, à hauteur du temps habituellement consacré au corps dans un horaire classique, soit environ un quinzième du temps hebdomadaire.

Ce lundi 4 octobre, température douce pour la saison, taux d’humidité de l’air très modéré, l’ouvrage collectif « Notules » est distribué à tous les élèves, le groupe se met en marche, alterne les moments de lecture à voix haute, en variant les situations et les positions, et les moments de réflexion sur les arguments, les mots, les idées.

Sur la trace de Nietzsche, et des pensées qu’on a en marchant, au retour, chacun rédige le récit de cette sortie littéraire, en mettant en évidence la relation entre le mouvement du corps et celui de l’esprit, les relations entre l’activité intellectuelle et son contexte : les odeurs, les sons, les ambiances.

Et ça donne, liste non exhaustive :

Entendre raisonner/résonner les parois abruptes d’une carrière désaffectée

Percevoir la nocivité sonore d’un long courrier qui vole très bas, d’une tondeuse qui broute, en contrebas, dans la vallée

Régler le volume de sa voix au rayon qu’on ambitionne de couvrir

Sa voix, la percher, littéralement : une branche haute, un roc en surplomb, sont des tribunes appréciables. Un peu dangereux ? Certes, mais surtout pour l’ignorance, qu’on fait reculer pas à pas

S’allonger et lire à plat ventre : performance vocale et musculaire

Construire une pyramide humaine et y installer l’élève lisant : élever la lecture

Lire à l’oreille des chevaux

Organiser, d’un côté à l’autre d’un chemin creux, une lecture-relais

Du haut d’un chêne respectable, réinventer le gueuloir de Flaubert et mettre le texte à l’épreuve de la vocifération

S’interroger sur le discours de la page blanche : elle dit tout sauf le vide, et amène à réfléchir sur l’autocensure

Ceux qui trainent, se perdent, allongent le chemin, découvrent de nouveaux paysages en même temps que l’utilité de ne pas perdre de vue ceux qui connaissent les raccourcis. Ceux qui se taisent exercent un droit naturel, celui de ne rien dire.

Pour celui qui connaît Italo Calvino, il y a là, rassemblés, quelques uns des personnages de sa fameuse trilogie : on reconnait au passage le professeur inexistant, l’élève perché, le cours pourfendu.

Et au minimum, tout le monde a mis, au long des dix kilomètres parcourus, son corps en mouvement, et son esprit, sans nul doute, en a fait quelque chose qu’il n’est pas nécessaire de connaître pour le respecter.