Accueil > Z comme archives > Pédagogie Nomade > On ne raconte pas assez ce qu’on fait... > Octobre et novembre 2011 - chronique des jours sombres (avec, çà et là, (...)

Octobre et novembre 2011 - chronique des jours sombres (avec, çà et là, des éclaircies)

vendredi 11 novembre 2011, par écriture collective

résumé des épisodes précédents

Décidément, Pédagogie Nomade est dans le paysage éducatif belge francophone un OVNI bien dérangeant. A force de prendre en considération des élèves en différend avec l’institution scolaire, voilà que l’école elle-même se retrouve en situation de différend avec son autorité de tutelle. Le différend, ce n’est pas la guerre, d’ailleurs PN en refuse même l’idée, mais c’est loin d’être confortable quand ça perdure. Pas moyen d’être entendu.

On peut retenir de la première année une menace de fermeture pour cause de déficience de permis de bâtir. On a pu régler ça.

La deuxième année a été marquée par une perquisition plutôt brutale, dont on peut lire le récit en cherchant un peu sur le site, mais ça a été surmonté. Il est vrai que la maréchaussée n’a pas trouvé grand chose à se mettre sous la dent, en matière de substances interdites. Elle a trouvé autre chose. On a pu dépasser ça.

La troisième année, celle de la maturité, a donné satisfaction à toutes les parties : la plupart des élèves et parents, les enseignants. Il est vrai qu’on apprend beaucoup de ses erreurs, quand on y réfléchit. Deux organes ont été institués pour mettre de l’huile dans les rouages : comité d’accompagnement, comité de pilotage.

La quatrième année a commencé de façon relativement tendue. En cause, la désignation des enseignants, sur le mode particulier de la cooptation.

Accélération le 30 septembre : un prof écarté pour des raisons, elles aussi évoquées sur le site, a été prié de vider les lieux. Il s’est exécuté (si on peut dire) pour ne pas nuire à l’école, car il était à nouveau question de fermeture s’il ne le faisait pas. La seconde exigence (trouver un autre prof pour le poste sensible) relevait de l’autorité de la ministre. on pouvait la considérer comme réglée. Hélas, non. On apprenait bientôt, soit le 21 octobre, que la ministre décidait d’ouvrir une seconde école pas comme les autres, à cinq kilomètres de là, avec quatre profs en désaccord avec le projet PN et la stratégie des dernières semaines. Des courriers ont circulé, vers l’équipe profs 1, vers l’équipe profs 2, vers les parents, contenant des informations variables, le tout mettant une certaine pression sur les familles pour accepter l’idée de délocalisation déguisée en relocalisation.

ce lundi 24 octobre

La ministre a décrété un jour de congé, le temps de permettre à l’autre établissement de s’organiser. Douze élèves, pourtant (soit à l’heure actuelle un quart de la population de cette micro-école) et 8 profs (soit deux tiers de l’équipe éducative) étaient bien à Limerlé pour une journée d’école. Une équipe mobile de la Communauté Française était dépêchée sur place pour aider à "gérer la crise". Les élèves expliquent aux médiateurs qu’entre les personnes qui sont là aujourd’hui, il n’y a pas de crise, mais un cours de mathématique, où ils se rendent. La matinée a été l’occasion de la projection, en anglais, de "the other final", rendez-vous footballistique de losers joyeux, et avant les maths, c’était éducation physique. La forêt est magnifique en ce début d’automne.

ce mardi 25 octobre

Matinée un peu spéciale, puisqu’une autre école, semblable mais différente, on ne s’y retrouve plus, ouvre ce matin. Belgique : libre -marché scolaire.
Les élèves présents rentrent le bois pour l’hiver, on s’affaire à gauche à droite. D’autres élèves passent dire un petit bonjour, avant d’aller voir à Gouvy ce qui s’y passe... Les medias essaient de s’y retrouver dans l’imbroglio.
L’atelier "Bouthan - Montserrat, the other final" se poursuit avec une réflexion sur le Bonheur National Brut, et les indices qui permettent de le calculer. Ce n’est pas une fiction.
Francis Ponge est convoqué pour un atelier d’écriture "à la façon de..."
On choisit de rester une école qui fait ce qu’elle a à faire.
Tiens, on réécouterait bien "les oiseaux de passage" de l’ami Georges...


ce mercredi 26 octobre

La saga prend une tournure surréaliste. Pendant trois ans, l’utilisation d’un minibus pour acheminer les élèves à PN a été refusée catégoriquement par les autorités : concurrence au secteur privé du ramassage scolaire. Ce matin, le bus (50 places) de l’ARV vient jusque Limerlé, pour emmener deux élèves. Il a été répété, pendant trois ans, que ce bus ne serait jamais disponible pour PN. Dix minutes plus tard, un second véhicule effectue le même circuit. Il reviendra encore. Dame ! Il y a une école à remplir. Dans le fond, c’est une bonne nouvelle : il est quant même possible de déroger à des règles inadéquates. Dommage que ce soit à sens unique...
Nous glissons, ailleurs sur le site, les derniers échanges de courriers entre le cabinet et PN, afin de répondre aux nombreuses demandes d’éclaircissement.

Un texte de soutien circule sur les réseaux. En même temps que nous remercions ses auteurs, nous tenons à préciser que ce qui est en jeu, ce n’est pas une personne, sur laquelle tout est focalisé, ni ce qu’elle ressent ou ce qu’elle va devenir, mais bien une conception de l’école prometteuse, des élèves, des parents, des enseignants, qui sont placés, avec des moyens considérables et douteux, face à un choix cornélien, qui fera forcément de la casse...


jeudi 27 novembre

Ce matin, c’est un cours de philo qui est proposé aux élèves présents. Il s’agit de préparer, en compagnie des étudiants en philosophie de l’ULg, la visite prochaine de Jacques Rancière. Il sera question d’égalité, de pouvoir, documents à l’appui.
A propos de documents, il nous en parvient un, enfin, qui établit de façon incontestable qu’à aucun moment l’équipe éducative de PN ne s’est mise en défaut par rapport aux injonctions du cabinet. Un courrier tout à fait officiel nous avait par ailleurs informé, il y a quelques jours, que c’est ce jeudi que le gouvernement de la Communauté Française doit se prononcer sur la demande de fermeture de Pédagogie Nomade.
When timing is good, everything is good, affirmait un vieux sage...

Et cependant qu’une trentaine de personnes, profs, philosophes, élèves mélangés, réfléchissent avec Rancière, Harendt, Blanqui, les nouvelles qui arrivent du conseil des ministres confirment que la démocratie, c’est bien quelque chose de lent, de complexe, et ça peut parfois être tendu quand le sujet est délicat...

Les avis des personnes consultées convergent : dans une situation de blocage, avant les mesures irréversibles, une médiation s’impose. C’est également notre avis. Celle-ci n’a pas encore eu lieu. Nous pensons que s’il n’est pas trop tard, il est grand temps.


vendredi 27 octobre : on ne sait plus dans quelle pièce on joue...

Voilà que nous apprenons, par la voie la plus directe, la ministre elle-même, que le motif invoqué jusqu’ici pour motiver une fermeture immédiate, ce n’est pas cette histoire de désignation de profs, mais la sécurité des élèves. D’accord, c’est le souci de tous. Mais il se fait que les élèves, leurs parents, les profs, sont les premières victimes d’une pression importante infligée à l’école, soit une injonction accompagnée de menace de fermeture immédiate (et donc d’impossibilité de diplôme) ... si cette histoire de désignation n’est pas réglée.
Très bien, nous prenons acte, et déclarons que le souci de la sécurité des élèves suppose qu’on offre à l’école qu’ils choisissent un minimum de sérénité. Que chacun puisse, enfin, se mettre au travail dans les meilleures conditions. Si c’est à Gouvy, pour ceux qui le décident, c’est très bien, mais il faut que ce soit possible également à Limerlé. Nous affirmons, et le délégué aux droits de l’enfant, interpellé, dit la même chose, qu’une médiation, ou une enquête, pourquoi pas, doit établir que les élèves ne sont pas en danger. Cela ne nous empêche pas d’être conscients qu’ils ont vécu des moments difficiles, dans une situation délicate, qui les concerne au premier chef.
En attendant, ce qui peut être fait, c’est informer le cabinet Simonet et le Délégué aux Droits de l’Enfant que la situation n’est pas aussi apocalyptique que certains le disent, mais le lot d’une micro-société qui s’efforce de trouver, de façon démocratique, avec les lenteurs et les maladresses que cela suppose, de trouver une issue à une situation de crise. C’est le projet Pédagogie Nomade.

18h : du concret

Le gouvernement de la CF a donc tranché, et le cabinet Simonet a informé les parents que tout va bien, que PN ferme illico, que les élèves sont désormais en sécurité, et qu’une école sans profs et sans projet pédagogique a vu le jour à cet effet. Dormez bien, citoyens.
Qui sait, peut-être le pot de terre n’a-t-il pas dit son dernier mot...

Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?
Ben, ça dépend, si on est résigné, on pense à autre chose, avec un peu de mélancolie. Mais si on n’est pas résigné, on se souvient qu’en démocratie, on a des moyens à utiliser. Trois députés se préparent à interpeller madame Simonet ce 8 novembre. On peut encore leur écrire, les alerter, éclairer leur lanterne sur ce qui se déroule...
(voir leurs coordonnées par ailleurs)

vendredi 4 novembre

Et voilà. Périple en la Demeure reçoit la notification de la rupture de la convention. Les motifs sont divers, l’argumentation est aisément démontable, mais c’est où, l’atelier où on démonte la mauvaise foi ?
Les profs sont informés également que leur nouveau lieu de travail, c’est à Gouvy, dans une école dont on ne sait rien, avec des collègues qui ont fait le nécessaire pour la fermeture de PN... Kafkaien.
Il y a de quoi introduire un recours, mais où ?
En attendant, PN est une école "ouverte pendant sa fermeture", et qui travaille à organiser sa survie, comme tout organisme vivant.
Comment ? Préparation du recours, et détachée de cette procédure, une démarche d’énonciation (parole/écrit) de ce qui fait notre attachement, nos difficultés par rapport à Pédagogie Nomade.
Et ce jeudi 10 novembre, nouvel atelier philo en préparation à la visite de Jacques Rancière, et projection du film sur l’expérience d’autogestion des travailleurs de LIP dans les années ’70 (à partir de 10h30).

lundi 7 novembre
C’est violent, une école vidée d’autorité. Entre un frigo et une cuisinière, quelques tableaux, des dossiers et des ordinateurs, des casiers remplis de matériel de bureau, le poële à bois, chargé et fumant, trouve une petite place sur la remorque, qui s’éloigne en abandonnant des volutes, traces éphémères. Quelques élèves pantois, des parents, des profs, apprécient cette leçon d’efficacité et d’humanité.
Bah, on a fait ce qu’on avait dit qu’on ferait, et que chacun peut relire, sur ce site, dans le communiqué du Ministre Christian Dupont : faire école autrement, adopter des pratiques différentes avec des élèves en différend avec l’institution scolaire. Aujourd’hui, c’est toute une école qui se trouve en différend. C’est-à-dire pas entendue, pas comprise par son tribunal.

jeudi 10 novembre
Ce matin, nous lisons sur le site du Parlement de la Communauté Française la réponse de MD Simonet aux questions parlementaires qui lui furent adressées le mardi 8. Une lecture attentive des derniers articles publiés permet le démontage minute de cette affligeante argumentation. Comment une telle accumulation de fautes graves n’a-t-elle pas valu l’exclusion immédiate de tous les professeurs depuis belle lurette ? Comment expliquer cette attitude étrange de la ministre, qui continue à dire le grand bien qu’elle pense de ce projet, tout en le broyant soigneusement ?
Et pourquoi, enfin, se fendre d’une telle liste, alors qu’une seule de ces fautes aurait justifié, pensons-nous, des mesures de prudence élémentaire, une enquête.
Souvenons-nous, enfin, que le chantage à la fermeture ne concernait qu’un seul point, celui de la désignation des profs, qui relève de l’autorité de la ministre, quels que soient les souhaits des enseignants.
A trop vouloir convaincre, on dévoile peut-être autre chose que ce qu’on voudrait dénoncer...

6 décembre
Les recours sont introduits, et font leur chemin : conseil d’état, référé, fond... Tout cela va prendre un certain temps, et rien ne réparera ce qui a été fait, avec un mélange de mauvaise foi et de désinvolture.
Pas assez d’écoles, la ministre en ferme une.
Pénurie de profs, en voilà neuf qui démissionnent.
Décrochage en hausse, une solution en moins.
Violence à l’école, c’est l’autorité qui se fait brutale.
Bravo pour l’humanisme de la gestion de l’école. On en reste bouche bée.
Ce n’est pas une raison pour rester les bras croisés. Vous n’avez pas voulu de notre école alternative, on va donc réfléchir à une alternative à l’école. La suite dans les semaines qui viennent.


On se dit de plus en plus, avec un brin de stupéfaction : bon sang, si la ministre déployait autant d’énergie à lutter contre le redoublement, le décrochage, les vrais problèmes de l’école, qu’elle en met à oeuvrer à la fermeture de PN, des écoles de ce type ne seraient pas nécessaires. C’est probablement ça, dans le fond, qu’elle souhaite : que ce ne soit pas nécessaire. Dans ce cas, nous pouvons trouver un terrain d’entente...