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Lettre de la ministre et réponse de l’équipe éducative

en pièce jointe : la version PDF de la dernière lettre de la ministre

mercredi 26 octobre 2011, par siggi

Limerlé, le 24 octobre 2011

Madame la Ministre,
Monsieur Verwilghen,

Nous avons défendu le principe de cooptation, et nous le défendons toujours. Mais vous conviendrez que la possibilité, pour une équipe d’enseignants, de se choisir eux-mêmes ou leurs remplaçants, ne se réduit pas à choisir ceux qui conviennent à un tiers – en l’occurrence, la Ministre. Nous avons bien invoqué un « droit » de choisir les candidats. Mais précisément, ce droit n’existe pas encore. Ce qui a existé jusqu’ici, c’est la possibilité qui nous fut laissée de proposer notre souhait d’équipe ; et, jusqu’à l’année dernière, de la voir confirmée par la décision de la Ministre. Le principe de cooptation était moral : non seulement non garanti, mais aussi sans détermination objective, puisqu’il reposait sur la bonne volonté du ministère de faire confiance en notre choix et de le confirmer. Le problème est qu’il était, du même coup, soumis à l’arbitraire (puisqu’il n’avait pas de limite définie, puisqu’il n’était pas objectivé et rationalisé) ; que, au fond, il appartenait à la ministre, qui conservait seule son pouvoir de désignation, de suivre ou non notre proposition.

Aujourd’hui, c’est cette proposition qui est refusée. Il y a donc un problème. Le principe de cooptation tel qu’il a fonctionné jusqu’à présent n’est plus suivi. Il n’est donc pas juste de s’y référer comme s’il n’y avait rien de nouveau sous le soleil pour identifier dans notre chef un manque de cohérence. Au contraire, notre cohérence est rigoureuse, et nous suivons la distinction très claire qui nous fut tant rappelée : cooptation d’un côté, désignation de l’autre. Nous avons coopté. A vous de désigner. Et nous imposer de rejouer les dés – de re-coopter – indéfiniment jusqu’à ce que le candidat retenu vous convienne, c’est vouloir que nous voulions votre volonté, et potentiellement s’y soumettre à l’infini.

L’année dernière, nous avons effectivement occupé le hall du cabinet pour nous opposer à votre volonté de ne pas choisir la solution que nous vous proposions, c’est-à-dire le règlement du problème posé par le cours de français par une cooptation en interne. Nous estimions alors, et nous estimons toujours, que c’était la seule manière de nous faire entendre et de vous donner les raisons qui avaient présidé à notre cooptation. Mais nous n’avons jamais affirmé, et nous n’affirmons toujours pas, que c’était notre pouvoir que de désigner. Aujourd’hui, nous n’occupons pas votre hall – ce genre de stratégie marche une fois, pas deux. Nous avons choisi l’écrit (voir le dossier envoyé le 20 septembre, auquel vous n’avez jamais répondu, sinon par la répétition pure et simple de ce que vous avanciez auparavant), et le rappel des pouvoirs de chacun. Sur le fond, rien n’a changé. Nous sommes toujours autant déterminés à faire valoir les raisons qui légitiment notre choix initial.

Par contre, il est étrange que vous ayez tant insisté pour que nous changions de position, et que nous décidions à votre place ; il est étrange que vous nous reprochiez de manquer de cohérence parce que nous tenons une position et que nous la justifions rationnellement. Si nous avions obéi à la mascarade qui nous conduirait à vouloir votre volonté, à pouvoir votre pouvoir, alors que vous n’en avez aucunement besoin, cela aurait-il, alors, été cohérent ? Nous ne comprenons plus trop bien.

De même, nous ne comprenons pas pourquoi, alors que vous avez annoncé que nous devions prendre une position unanime, vous en atténuez maintenant le sens avec la formule « du moins avec consensus suffisant ». Nous ne comprenons pas pourquoi, alors que vous nous demandez de répondre à votre demande et non pas par votre demande, vous n’acceptez pas notre réponse parce qu’elle n’est pas la vôtre : nous vous annonçons avoir coopté et n’avoir pas de raison de revenir sur notre choix, le pouvoir décisionnel vous appartenant ; nous vous annonçons vouloir par ailleurs poursuivre l’aventure telle qu’elle a existé et fonctionné pendant trois ans sur le site de Périple en la demeure, comme il est stipulé dans la convention. Donc : nous nous prononçons sur vos deux demandes. Si vous vouliez la réponse que vous-même avez choisie, alors vous n’aviez guère besoin de nous la demander. C’est une fausse consultation : un peu comme pour la cooptation, où nous aurions à choisir ce que vous choisissez.

Nous ajoutons qu’il est étrange de considérer l’absence de réaction à une position, un argument, un courrier, comme sa confirmation : que devons-nous alors penser de notre courrier du 20 septembre justifiant la possibilité légale qui est la vôtre de confirmer l’intégralité de notre cooptation ? MM. Toussaint et Janvier ont toujours accepté l’idée d’une cooptation selon laquelle l’équipe se choisit elle-même, et le pouvoir décisionnel décide. Une telle tautologie n’a guère besoin de réflexion approfondie. Ils n’ont par contre jamais émis l’idée que la cooptation consistait à choisir la décision. Pas plus qu’ils n’ont jamais estimé suffisante la définition tautologique de la cooptation, mais toujours maintenu qu’il fallait travailler ce point pour en définir les limites et lui donner un cadre rigoureux, d’après lequel on n’oscillerait pas entre un choix arbitraire et une décision arbitraire. Car là est l’essentiel : que se passe-t-il en cas de litige ? A cette question, il n’a jamais été apporté de réponse, et c’est d’elle que dépend le sens de Pédagogie Nomade, à nos yeux.

Quoi qu’il en soit, nous ne voyons pas très bien en quoi notre incohérence ou cohérence supposées justifieraient une procédure de rupture de la convention. Nous le voyons d’autant moins qu’il n’y a, à ce jour, aucun cas de défaut aux dispositions légales. Et nous trouvons bien incohérent de nous demander de prendre une position – choisir de s’engager sur un autre site – alors qu’elle suppose de rompre la convention. Il y a là un vice logique à conditionner le maintien de la convention par le respect d’une mesure qui implique d’en sortir. C’est pour le moins étrange d’en déduire la rupture que votre exigence présuppose.

Enfin, nous trouvons déloyal de nous promettre des informations sur l’avenir de l’école, de les réduire, dans votre courrier, à l’annonce de la venue d’équipes mobiles sur le site de Périple en la demeure, alors que vous informez, d’autre part, les parents de dispositions plus précises et plus concrètes – dont nous doutons par ailleurs qu’elles soient toutes légales – sur une reprise des cours à Gouvy, avec une autre équipe. De notre côté, nous avons été et sommes toujours clairs et cohérents : nous serons là pour assurer, avec les équipes mobiles, les cours pour les élèves qui le souhaitent.

Veuillez recevoir, Madame la Ministre, Monsieur Verwilghen, l’expression de nos sincères sentiments.

Maurine Schiffler, Marie Lenoir, Astrid De Wachter, Mireille Verbeke, Henry Deleye, Benoit Delpeuch, Siggi Richter, David Wald