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Une question de cohérence

mercredi 26 octobre 2011, par siggi

Il suffit de relire la lettre de la Ministre pour comprendre que sa volonté de délocaliser le projet se base sur ce qu’elle appelle incohérence : « il m’est dès lors difficile de discerner de la cohérence dans le mode de coopération que vous entretenez avec l’autorité de tutelle ».
La cooptation est en elle-même une démarche cohérente : les candidats qui désirent faire partie de l’équipe se choisissent entre eux, dans le but de former une équipe cohérente. La cooptation a été réfléchie et précisée sans cesse pendant ces trois premières années ; des critères et des définitions ont été établis et rédigés. Le processus est accepté informellement par le cabinet, qui souligne que le droit de choisir est accordé à l’équipe, tandis que le pouvoir de désigner est l’affaire du cabinet. Nulle part n’est mentionné le scénario du « devoir de re-choisir ».

Les interventions du cabinet, en septembre 2010 et en septembre 2011 ont empêché de finaliser cette notion.

Pour rappel, un professeur n’a pas été désigné en 2010 suite à un rapport défavorable de la préfète de l’ARV. Le dossier qui justifiait ce rapport était un mélange de différentes choses : le procès en cours contre le professeur en question, une lettre d’une mère qui disait que son fils n’avait pas été traité correctement suite à une blessure au pied, une autre lettre de la même mère qui lui reprochait un manque de respect au sein de l’association des parents, et finalement la préfète qui elle-même dénonçait un manque de respect.
Le procès en question était en cours et n’était donc pas un argument valide, le professeur d’éducation physique n’était pas le professeur en question, et d’ailleurs, l’élève s’était blessé au pied lors d’un match de foot entre amis en dehors le temps scolaire et à un kilomètre de l’école. La préfète n’avait pas mis pied dans l’école pendant cette année scolaire (sauf en présence des policiers et des inspecteurs) ni entretenu un contact quelconque avec l’équipe éducative : comment manquer de respect si on vit en absence l’un de l’autre ?

L’école, c’est-à-dire, son assemblée générale, n’était donc pas d’accord avec le refus de désignation ; le conseil institutionnel partait à Bruxelles pour demander une rencontre avec la Ministre afin de pouvoir dire le désaccord avec la décision, de poser les questions et d’argumenter. Après trois jours d’attente de notre part (et trois jours de recherche d’un professeur de français et d’incitation de postuler à PN du côté d’Alain Maingain) et d’une rencontre avec le chef de cabinet, on nous a expliqué qu’il s’agissait de « jurisprudence », que le cabinet avait fait « comme ça pendant 40 ans », et finalement, le cabinet a proposé d’accepter que trois professeurs se partagent le poste de professeur de français. On a accepté, même si on n’était pas convaincu par les arguments donnés par le cabinet. Mais bon, on avait décidé de calmer le jeu.

En septembre 2011, le même professeur est coopté par l’équipe et de nouveau refusé par le cabinet. Cette fois-ci, il s’agit d’une « interprétation » de la loi, qui stipule que pour être désigné, il faut être de « conduite irréprochable ». Nulle part il n’est défini dans la loi ce que ça veut dire. Il existe une circulaire concernant le réseau libre subventionné qui stipule que si on a un casier judiciaire pour des faits de mœurs, le refus est automatique. Pour tous les autres cas, une mention sur le casier judiciaire est matière à interprétation.
De nouveau, on n’est pas d’accord ; on envoie par la poste un dossier argumenté qui remet en question le refus non-argumenté de la part du cabinet. On trouve que ça commence à bien faire : en 2010, il s’agit de « jurisprudence », maintenant d’une « interprétation », une imprécision qui est d’ailleurs dénoncée par la Ligue des Droits de l’homme, entre autres.

Puis, on menace Pédagogie Nomade de fermeture. Premier ultimatum : le 14 octobre. L’assemblée générale doit choisir entre fermeture et cooptation de quelqu’un d’autre, qu’on aurait choisi. De longues réunions ont abouti à la proposition d’une troisième piste : on ne choisit ni l’un ni l’autre. On dit qu’on a choisi, que le pouvoir de désignation n’est pas entre nos mains. On exprime notre désir de continuer à travailler avec le professeur qu’on a choisi, et qu’on n’est pas en mesure de coopter quelqu’un suite au refus de désignation.
Le cabinet convoque l’équipe éducative à Vielsalm, le 20 octobre 2011 à 15h précis, puis, dans un autre local, les élèves et leurs parents, à 17h. On nous donne 28 h pour soit nous mettre d’accord pour coopter un autre professeur de français, ou nous exprimer « quant à votre engagement personnel concernant le scénario de relocalisation du projet ».
À 16h, le lendemain, Jean-Christophe, Agnès, Jacqueline, Danielle et Nicolas nous envoient un texte de désengagement suite à des différends ressentis. Ils ont décidé de délocaliser le projet, de refuser la réunion prévue, seul moyen possible d’arriver à un consensus. On se trouve dans une triple impossibilité : d’abord, d’arriver à un consensus alors qu’on n’est pas au complet ; puis, de coopter quelqu’un alors que le pouvoir de désigner n’est pas entre nos mains ; et finalement de s’exprimer quant au scénario qui n’existe pas encore (et qui fait pourtant partie de la menace) alors qu’on s’est engagés à Pédagogie Nomade, et sommes d’accord pour continuer.
On envoie une courte réponse au cabinet pour dire qu’on est pas en mesure d’accepter le choix que la ministre nous propose.
Puis, le lendemain, trois lettres arrivent : une pour l’équipe éducative 1 à Limerlé, une deuxième pour l’équipe éducative 2 à Gouvy, une troisième pour les élèves et les parents. En comparant la lettre 1 avec la lettre 3, on se rend compte qu’il y a une désinformation flagrante. Dans la lettre 1, l’ouverture d’une école à Gouvy n’est pas mentionnée, alors que dans la lettre 3, les élèves sont incités à aller peindre leur nouvelle école. On est informés qu’il y aura des équipes mobiles, qui passent deux fois dire bonjour lundi et mardi.

La ministre nous écrit aussi qu’elle proposera au gouvernement de rompre la convention. On se demande sur quelle base une telle rupture pourrait être justifiée, vu que l’article 1 de la convention stipule que le pouvoir de désignation est du ressort de la ministre, et l’article 3 précise que le gouvernement peut unilatéralement rompre la convention en cas de non-respect des dispositions légales.
Pourtant, la ministre précise dans sa lettre qu’elle introduit sa demande auprès du gouvernement suite à notre « incohérence » en matière de cooptation.

Tout en cherchant à être cohérent dans la situation actuelle, il est donc difficile de « discerner de la cohérence dans le mode de coopération » que la tutelle d’autorité entretient avec nous.