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ceux-là

lundi 17 décembre 2012

Celle-là, ils ne savent pas où la caser. Sa mère a ses soucis, et ça explose entre elles, de toute façon. Personne n’en veut. Sauf peut-être cette espèce de prison pour les filles. Mais elle n’est pas délinquante. Qu’à cela ne tienne, on le lui bricole vite fait, son statut 36.4. Mais ce qui n’était pas prévu, c’est que le personnel de cet IPPJ n’en sort pas. Alors, on la décrète cinglée et on l’envoie en psychiatrie, où il s’avère qu’elle n’a rien à faire. Elle arrive à la Maison Deligny, avec une valise pleine de médicaments, qui se sont additionnés au cours de sa route. Elle s’en passe sans problème, revient à elle, et décide, au bout de trois mois de réanimation, de partir. Rebelote : personne n’en veut. Elle n’est plus 36.4, plus délinquante, et ne peut donc pas retourner à l’IPPJ. Qu’à cela ne tienne… La suite de l’histoire est connue, c’est une boucle. Et ça durera encore un peu, car elle a dix-sept ans.

Celui-là, seize ans, a raconté qu’il faisait des rêves bizarres et qu’il entendait des voix. Le docteur, qui sait puisqu’il est docteur, a indiqué la direction de l’institut psychiatrique. Il arrive à la Maison Deligny, avec une valise pleine de médicaments. Il s’en passe sans problème. Il continue à entendre des voix, ce sont les nôtres. Il croit parfois que c’est un rêve, car il ne se donne pas la peine de répondre. Et pour le reste, ça va.

Celui-là, à onze ans, il a été éjecté de son foyer, pour violence, paraît-il. Non, il n’était pas armé, et son petit poing, quand il se serre, n’impressionne personne, ici. Puisqu’il devait disparaître de là où il terrorisait tout le monde, c’est en psychiatrie qu’il a abouti. Il arrive à la Maison Deligny, avec une valise de médicaments. Il s’en passe sans problème, et n’a plus peur de s’endormir tout seul dans le noir. Il ne menace plus personne et devient, petit à petit, boulanger.

Celui-là, puisque personne n’en voulait, il a été casé, provisoirement, entre deux cachots, dans un refuge pour sdf. A quinze ans, il n’est pas assez délinquant pour pouvoir, si l’on peut dire, être hébergé dans un centre fermé. Si la Maison Deligny ne s’ouvrait pas pour lui, il y retournait, dès qu’il y aurait de la place. Il arrive, avec une valise pleine de médicaments, puisqu’il a fait lui aussi le crochet par la psychiatrie. Il s’en passera désormais.

Quatre histoires, qui se croisent ici. Quatre points communs : valise de médicaments, crochet par la psychiatrie, place nulle part où se faire envoyer...Le quatrième, c’est que dorénavant, puisque les professionnels qui font payer rubis sur ongle leur service n’en sortent pas ou n’en veulent plus, ils aboutissent là où on les accepte, en un endroit que l’institution trouve incongru de financer. Le problème, c’est que ça prend de plus en plus de place, tous ces produits vains. Qu’est-ce qu’on va faire avec tout ça ? On pourrait peut-être ouvrir une pharmacie... et un magasin de valises.