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actes et paroles autour du destin de PN

vendredi 21 octobre 2011, par

Nous avons participé, comme membres de l’Unité de recherches en philosophie politique et philosophie critique des normes de l’ULg, à la fondation du projet Pédagogie Nomade et de l’école elle-même. Au vu de la situation et de son exposition dans le journal Le Soir ce vendredi 21 octobre, nous tenons à rappeler un certain nombre de faits qui étayent notre soutien à l’équipe éducative actuelle et à Pédagogie Nomade dans son ensemble.

Durant trois ans, l’école a fonctionné sur la base d’un principe moral accepté par les différents cabinets ministériels de l’enseignement en Communauté française : le principe de cooptation, selon lequel la désignation des professeurs effectuée par le ministère suit la proposition d’équipe issue des enseignants eux-mêmes. Depuis le mois de septembre dernier, ce principe est mis à mal : l’intégralité de l’équipe proposée n’a pas été acceptée. La ministre invoque une impossibilité légale. L’équipe
éducative le conteste. Le débat est en cours, et il est juste qu’il ait lieu. Quoi qu’il en soit, et quelle que soit son issue, rien n’oblige la ministre à suivre la cooptation proposée par l’équipe. D’un côté, l’équipe choisit – exprime un souhait. De l’autre, la ministre désigne – exerce son pouvoir de
décision.

La situation actuelle repose sur une injonction contradictoire du ministère faite à l’équipe éducative de Pédagogie Nomade : cooptez un professeur de français, mais pas celui que vous cooptez ; choisissez l’équipe qui vous paraît la plus apte à porter ce projet d’école différente, mais ne choisissez pas ceux que vous avez choisis. L’obligation faite à l’équipe de proposer un autre professeur de français que celui proposé initialement signifie ceci : décidez à ma place, afin que ma décision paraisse être la vôtre. Or rien n’oblige l’équipe à coopter les enseignants que la ministre souhaite engager.

Face à cette impasse, nous souhaitons rappeler certains faits :

- Il n’est du pouvoir d’aucune équipe enseignante en Communauté française de se désigner elle-même, pas même à Pédagogie Nomade.

- Le principe de cooptation a pu fonctionner pendant trois ans sur la base d’une relation de confiance qui permettait l’adéquation entre la proposition issue des enseignants et la décision prise par le pouvoir organisateur.

- Ce principe n’est pas inscrit dans la convention signée entre la Communauté française et l’ASBL Périple en la Demeure, au sein de laquelle est organisée l’école Pédagogie Nomade.

- Ce principe n’a donc jamais été défini légalement. Les modalités de résolution des problèmes qui se poseraient si la relation de confiance venait à être mise à mal n’ont donc jamais été assurées sur une base légale.

Il convient d’en tirer les conséquences : ni l’ASBL Périple en la Demeure, ni l’équipe éducative de Pédagogie Nomade ne sont en tort ou en défaut, légalement ou moralement, dans cette situation. Il est incompréhensible, pour ne pas dire choquant, que le ministère impose des ultimatums aux uns et aux autres au sujet de décisions qui sont de son propre ressort. Il est regrettable que le refus, de la part du ministère, de prendre la décision qui lui revient, conduise l’école à une situation de précarité extrême et d’incertitude quant à l’avenir qui lui est réservé. Durant trois ans, les différents acteurs de Pédagogie Nomade se sont montrés satisfaits des pratiques qui y étaient menées, de l’atmosphère qui y régnait, et des relations qui s’y déployaient. Nous n’affirmons pas que tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes, loin de là, mais simplement que l’école était en mesure de fonctionner.

La pression exercée ces dernières semaines a produit un climat délétère subi par l’ensemble de l’école. Elle est d’autant plus regrettable que les menaces de fermeture de l’école qui l’accompagnent ne s’appuient sur rien : le déménagement de l’école hors de Périple en la Demeure
suppose une rupture de la convention ; la convention exige pour être rompue unilatéralement qu’il y ait un « cas de non respect des dispositions légales » (article 3 de la Convention, alinéa 2). Or nulle part il n’y a défaut : ni la rupture de la convention (et la fermeture de l’école), ni la fermeture de
l’école déguisée en déménagement ne sont fondées. L’effet réel des menaces est celui-ci : faire peur aux élèves, aux parents, aux professeurs ; les conduire à renoncer d’eux-mêmes aux positions et aux engagements qu’ils tiennent depuis, pour certains, trois années.

Nous souhaitons vivement que la possibilité de travailler soit laissée aux professeurs et aux élèves.

Nous demandons par ailleurs que le problème plus général de la cooptation soit traité pour lui-même, et défini avec précision, en comprenant les dispositions à prendre en cas de litige. C’est à cette double condition que les marques de confiance envers les principes et le mode de fonctionnement de Pédagogie Nomade répétées récemment par la ministre auront une signification réelle et concrète.

Grégory Cormann et Antoine Janvier,
Université de Liège, Département de philosophie,
Unité de recherches en philosophie politique et philosophie critique des normes.