Accueil > Z comme archives > Pédagogie Nomade > Contributions à la réflexion > pirates ! > galerie de portraits

galerie de portraits

le pirate comme personnage conceptuel

samedi 29 décembre 2007, par

c’est un texte provisoire, un brouillon sauvé d’un naufrage informatique, mais c’est déj ? ça...

Galerie de portraits
La figure du pirate comme personnage conceptuel

Sources principales

MOREAU Jean-Pierre , Pirates, Tallandier, 2006
LAPOUGE Gilles, les Pirates, Phébus libretto, 1987
LAMBORN WILSON, Utopies pirates, corsaires et renegados, Dagorno, 1998
OEXMELIN Alexandre, les Aventuriers et les Boucaniers d’Amérique, La Découvrance, 1995
JOHNSON Charles (capitaine, alias DEFOE Daniel), l’histoire générale des plus fameux pirates, 1724-28
LEIS Simon, les naufragés du Batavia

Le pirate est un homme qui n’est pas content. L’espace que lui allouent la société ou les dieux lui paraît étroit, nauséabond, inconfortable. Il s’en accommode quelques brèves années et dit « pouce », il refuse de jouer le jeu. Il fait son baluchon, descend de ses montagnes de Cappadoce, d’Ecosse ou de Norvège et gagne le rivage. Il capture un navire ou bien il s’enrôle chez un forban et, bon vent, il appareille.
Mais beaucoup d’hommes ne sont pas contents. Tous ne prennent pas le bateau. La plupart restent acagnardés dans leurs fermes, leurs taudis ou leurs résidences secondaires. C’est l’espèce à laquelle nous appartenons tous. Elle est morne, fade, envieuse et l’imagination n’est pas son fort. La générosité non plus. Poujade, pour ce temps, en propose une illustration excellente, les conversations de café, la légende et le commentaire. C’est une révolte molle et qui somnole. Elle râle mais jouit des bienfaits de son temps. A l’autre frontière du mécontentement, des figures vertueuses se profilent.

Personnage conceptuel :

Vocabulaire :
 pirate : bandit qui parcourait les mers pour piller des navires de commerce
 corsaire : navire armé par un équipage habilité par son gouvernement à capturer des bâtiments de commerce ennemi
 flibustier : pirate de la mer des Antilles aux XVIIème et XVIIIème siècles
 forban : pirate qui se livrait à des expéditions armées sur mer pour son propre compte, sans lettre de course
 boucanier : aventurier qui chassait le bœuf sauvage, aux Antilles, pour boucaner la viande ou faire le commerce de peau, aventurier, pirate
 gentilhomme de fortune

Et aujourd’hui…

Notre époque voit de nouveaux « pirates » naviguer, sur de virtuels océans, à des fins de brigandage ou en quête d’absolu. Ils sèment le désordre dans les échanges commerciaux et constituent une menace déjà mythique, le hacking : virus, vols numériques, sabotages informatiques en tout genre. Et, à l’instar de leurs prédécesseurs en flibuste, ils améliorent, bon gré mal gré, les outils et connaissances favorables au développement du système marchand. Ces écumeurs de bases de données, souvent motivés par des aspirations libertaires et un certain goût de l’aventure, s’identifient néanmoins à l’utopie pirate au point de brandir ouvertement le pavillon noir du capitaine Kidd et de Makhno. Ils entendent critiquer ce monde ultrarapide et archispécialisé avec ses propres armes. Ils rêvent de renouer, par l’autonomie de leurs propres réseaux, avec la luxure nomade des repaires pirates, hors la loi et sans dieu, de l’âge d’or de la flibuste. Bien d’intrépides et habiles hackers ne sont, autre similitude, que de simples corsaires, anciens pirates passés au service d’administration ou de firmes multinationales, qui les préfèrent très judicieusement à leur solde plutôt que dans le fond d’un cachot.
Le champ de bataille s’est déplacé depuis l’époque des forbans de Salé et des libres boucaniers, et les modalités du combat se sont transformées. La profusion technocapitaliste a multiplié les sources de butin et aiguisé les rapacités. Mais les enjeux n’ont guère varié pour les pauvres : psychoses de la domestication contre plaisirs de la sédition. Se noyer dans les eaux frigides de la résignation. Ou surgir de l’ombre chaude du négatif en hurlant à pleins poumons : à l’abordage ! (préface de Utopies pirates)

Généralités

1) système de solidarité : dans les années 1590, durant les campagnes de Drake, les marins mettent en place la « Chattham Chest », la caisse de Chattham, permettant de dédommager les flibustiers blessés et handicapés, pour ne pas les obliger à vivre d’aumones dans la rue. Bien avant, avec les Rôles d’Oleron, il existaitd déjà des caisses de solidarité pour secourir les veuves des disparus en mer. Ce système correspondait au principe de solidarité au sein d’une corporation comme cela se pratiquait partout au Moyen Age.

2) De la démocratie chez les flibustiers. Si le capitaine ou l’équipage ne sont pas propriétaires du navire, le capitaine qui ne peut s’appuyer sur l’autorité du roi, a tout intérêt à commander avec équité et raison, sous peine de mutinerie et de scission de l’expédition. Cela arriva à l’Olonnais, à Michel le Basque. En revanche, si l’équipage est propriétaire du navire, le capitaine est élu par l’équipage, et éventuellement récusé si ça ne va pas.

3) Du partage du butin. Ce n’est que lorsque les flibustiers sont propriétaires de leur navire que les partages sont égalitaires

4) Dans les marges : si, dans les marges, il y eut quelques actions proches des idéaux libertaires, le modèle dominant parmi les flibustiers et les pirates demeura conservateur. Il s’agissait, avant tout, de se procurer du bien, sans remettre aucunement en question les fondements de la société de l’époque : propriété privée, privilèges, hiérarchie sociale, esclavage, domination masculine. Peu furent ceux qui y adhérèrent réellement à la vision du pirate Belamy : « ils nous condamnent ces crapules, alors que la seule différence entre nous, c’est qu’ils volent les pauvres sous le couvert de la loi, et que nous pillons les riches aidés de notre seul courage , ne ferais-tu pas mieux d’être des nôtres plutôt que de lécher le cul de ces gredins pour avoir du travail ! »

5) Le quotidien du flibustier : le premier ennemi du flibustier était certainement l’ennui, l’attente interminable de l’action. Le second, la faim,ensuite peur, la maladie, l’alcoolisme. La sexualité était problématique

6) Les motivations : la jeunesse et le goût de l’aventure, certes, mais surtout les conditions difficiles à terre, le rêve d’un statut social supérieur et d’une aisance matérielle qui semblaient impossibles à acquérir autrement

MISSON

La validité historique de ce récit est contestée, mais sa réfutation ne présente pas plus de certitudes.

Fils d’une ancienne famille provençale, formé à l’Académie militaire d’Angers, Misson rencontre sur un bâtiment de guerre français Caraccioli, qui le convertit progressivement à l’athéisme et au communisme, ou plus exactement au déisme parfait. Le capitaine et les officiers sont tués lors d’un combat et Caraccioli manœuvre pour faire nommer Misson capitaine.
Ils persuadent l’équipage de fonder une nouvelle république maritime, car « chaque homme naît libre et a droit à ce qui le soutient autant qu’à l’air qu’il respire.
Misson et son équipage s’engagent dans une série d’attaques de navires, toutes couronnées de succès, ne prenant pour butin que ce dont ils avaient besoin et laissant leurs proies repartir librement. Les épisodes de chevalerie et de bonté alternent avec des moments de courage et de violence. Misson presse ses marins d’accepter comme camarades d’équipage les Africains libérés sur un esclavagiste hollandais. Misson moralise volontiers. Il se fend d’un long discours à l’équipage hollandais : « le Commerce de ceux de notre Espèce ne pourra jamais être agréable aux Yeux de la Justice divine. Que nul Homme n’a Pouvoir sur la Liberté d’un autre ; et que ceux qui professent une Connaissance plus éclairée de la Déité vendent des hommes comme des bêtes, cela prouve que leur Religion n’est rien de plus qu’une Grimace ! »
Peu de temps après, ils s’installent sur l’île de Johanna dans l’Océan Indien, et pendant quelque temps, Misson continue de prononcer des discours, de voler des navires. Comme le disait Lord Byron, Misson était l’homme le plus doux dans ses manières qui eût jamais sabordé un navire ou tranché une gorge.
Misson décide alors de se lancer dans la dans la communauté intentionnelle et déménage avec son peuple à Madagascar. Là, ils se mettent à construire une société purement socialiste, dans laquelle la propriété est abolie et toute la richesse mise en commun. Nulle haie ne sépare les lots de terre des pirates. Des quais, des remparts, des vaisseaux sont construits. Une Chambre de Séance est construite et Misson est élu « Lord Conservateur » pour un mandat de trois ans. L’assemblée élue se réunit une fois par an et aucune décision d’importance ne peut être prise sans son accord. Les lois sont imprimées et distribuées. Tew, pirate anglais, est amiral de la flotte, Caraccioli est secrétaire d’Etat et le conseil est composé des pirates les « plus capables, sans distinction de nation ou de couleur de peau. Un nouveau langage est inventé, mélande de français, d’anglais, de hollandais, de portugais. Ce régime progressiste ne suffit pas à satisfaire pleinement quelques extrémistes radicaux qui font scission pour aller fonder leur propre colonie, purement anarchiste : ni lois, ni officiers. Pendant quelques années, l’utopie pirate est florissante. Elle ne doit pas son échec à des dissensions internes mais à une agression extérieure : une tribu d’indigènes hostiles attaque, les colons doivent prendre le large à bord de leurs vaisseaux et ils sont détruits par un ouragan.

Edward Teach, dit Barbe Noire (XVIIIème)
Le pervers polymorphe et spectaculaire

Mary Read et Ann Bonny (XVIIème)
Les travesties : Mary endosse l’uniforme par conviction et Ann pour accompagner son amant. Leur point commun est qu’elles ne sont pas ce qu’elles paraissent, et le cocasse de l’histoire est que l’une, sous son habit masculin, est tombée amoureuse de l’autre, travestie également.

Steve Bonnet (XVIIIème)
Le looser
Ce vieux monsieur doux et candide coulait ses derniers jours à la Barbade quand le démon de la mer le saisit. Il frète un bateau, se fait « gentihomme de fortune » accomplit quelques exploits ridicules et très vite, meurt pendu…

L’Olonnois (XVIIème)
Il finira sous les coups de Indiens Bravos qui le hachent menu, le font rotir et le consomment (lire RAGON Michel, le marin des sables)

Jack Rackam (XVIIIème)
Eh oui, Rackam le Rouge

Communautés intentionnelles, préméditées, collectives

1)Salé
Les grands amiraux sont élus pour un an, ainsi que les quatorze ou seize capitaines de l’assemblée. Des nominations bureaucratiques sont effectuées : douanes, fisc, responsables du port, gardiens de la paix e tutti quanti. Mais il y avait une intention claire et nette d’empêcher le pouvoir politique de se structurer solidement, voire de se stabiliser. A l’évidence, les corsaires et les Andalous préféraient conserver une certaine fluidité aux choses, jusqu’à la turbulence, même. Toute tentative d’établir un contrôle réel se heurtait à une violence immédiate.
Conjecture : la « révolution permanente » telle que pratiquée dépasse une simple volonté de profit maximum (une simple monarchie corrompue aurait suffi) mais a des allures donquichottesques. L’idée d’une république est en vogue à l’époque et dès 1640 cette idée fera irruption dans l’histoire européenne avec la révolution anglaise pour s’y ancrer avec les révolutions américaine puis française. Que toutes ces révolutions aient été précédées par la République de Salé, n’est-ce qu’un simple accident de l’histoire ? Ou bien faut-il réécrire la séquence historique pour qu’on lise Salé, Anglettre, Amérique, France ? Voilà une idée sympathique : des pirates mauresques et rénégats convertis à l’islam seraient-ils les pères fondateurs de la démocratie ?

2)Madagascar (Libertalia)
Voir Misson

3) Hispaniola (La Tortue) Saint Domingue et Haïti
La Tortue, un nom mythique en matière de piraterie. Située au milieu des colonies espagnoles et à proximité des implantations boucanières du nord de Saint Domingue, l’île de la Tortue va se substituer

4)Bahamas (New Providence)
6000 pirates y vivent dans une quietude totale, en raison de la protection naturelle de l’île par des récifs. C’est l’époque des naufrageurs, des récupérateurs, qui trompent les pilotes en allumant des feux et s’en vont paisiblement piller les épaves. Une autre population, moins patiente, préfère assaillir les navires directement. L’attirance exercée par les richesses englouties contribue à peupler l’archipel rapidement

HISTOIRE

1702-1713 : la France a besoin de ses flibustiers
Guerre de succession d’Espagne : le trône est dévolu à Philippe, petit fils de Louis XIV, qui devient Philippe V, et ouvre l’empire colonial espagnol au commerce … français. Dès le début des hostilités, les gouverneurs tentent de ressusciter l’ancienne flibuste. Le roi offre l’amnistie aux anciens flibustiers devenus forbans. Au début les prises sont rares, mais petit à petit, les résultats s’accumulent, et aux prises de vaisseaux succèdent les raids sur les colonies anglaises, hollandaises, portugaises.
Avec la fin de la guerre de succession d’Espagne, les flibustiers disparaissent de la scène historique. On comprendra que des jeunes n’ayant connu que la pratique des armes et à qui toute reconversion semblait impossible, se lanceront dans une pratique qui deviendra le grand phénomène sociale des années à venir : la piraterie.
Qui veut devenir pirate ?
Anciens flibustiers, anciens membres de milices, chasseurs, la tentation est grande de s’enrôler dans la piraterie : les gains sont sans commune mesure avec ce qu’on pouvait obtenir dans une activité honnête, tous les navires constituaient des proies potentielles, sans distinction de pavillon. Il n’était pas rare non plus qu’on fasse miroiter à de jeunes recrues les mirages de l’Orient.

L’âge d’or de la piraterie (1713-1722)
Ironie de l’histoire : la piraterie devient proprement incontrolable. La piraterie devient endémique et une partie de celle-ci s’était mise au départ au service de l’Espagne. Au départ chargés de contrer l’interlope et la contrebande, ces marins finissent par arraisonner tous les bâtiments qui leur tombent sous la main.
La Providence devient le sanctuaire des forbans.
Amnistie pour les repentants
La France et l’Angleterre ont tenté le procédé à plusieurs reprises, pour reprendre le contrôle, avec un succès variable
La corde pour les jusqu’auboutistes
Quelle que soit la méthode employée, l’aministie et la répression n’auraient pas été suffisantes pour éradiquer la piraterie de masse dans les Antilles si les pirates ne s’autoéliminaient pas eux-mêmes, en répondant à l’appel des mers du Sud.